Se faire un nom

Kaagu était sorti de prison plusieurs jours plus tôt. Il s'était réfugié dans un motel miteux, où on payait à l'avance et où on n'était pas emmerdé. Dans sa solitude, perturbée par les allées et venues des prostituées avec leurs prises, des couples adultérins et des paumés à la recherche d'un point de chute, il chercha à peaufiner son plan de retour. Il ne pouvait pas reprendre contact avec ses amis. Là-bas, on l'attendrait, on le tuerait. Il ne pouvait pas s'y risquer. Il n'avait plus d'amis. Il avait été trahi. Il n'avait pas énormément de solutions devant lui. L'opportunité la plus simple à saisir était de foncer sur des tocards vulnérables pour les soumettre. Une fois qu'il aurait une bande qui le craindrait, il aurait l'opportunité d'agir. Avant cela, il ne pouvait rien faire. Il s'était dégoté un L-23 d'occase dans la rue, mais il ne l'empêcherait pas d'y passer si quelqu'un cherchait à le tuer.
Il y pensa longuement. Il devait chercher une opportunité. Il devait trouver une cible facile et la forcer à travailler pour lui. On était dans le District Jaune, et il y aurait plein de gens paumés. Il lui suffirait de rester discret.

Il n'aimait pas trop l'idée d'attendre, mais il devait bien s'y prendre s'il voulait avoir une chance de réussir. Alors, avec des vêtements banals et une capuche sur la tête, il décida de se rendre dans un bar pour commencer à chasser. Il espérait juste ne pas être reconnu et trouver assez vite.

Le Falleen regarda son misérable congénère se faire jeter du bar sans dire un mot. Malgré tout, il l'observa attentivement avec curiosité. Il n'était pas bien gros et avait l'air à moitié rongé par l'alcool, mais il avait encore de la ressource, ça se voyait. Il ne se laissait pas démonter, mais, visiblement, il était arrivé à un point où sa situation n'était plus tenable. Il lui fallait trouver une solution. Kaagu se dit avec plaisir qu'il pourrait probablement être cette solution.

Si le gars se montrait dangereux, il n'aurait peut-être même pas besoin de sa barre d'acier. Alors, il la laissa tranquillement reposer dans ses replis de ses vêtements et s'approcha de la créature titubante.

Kaagu - Hé ! Toi !

Le Falleen maigre se retourna et lui fit face. Il sembla frappé par l'apparition de ce congénère grand et large d'épaules. Il fit les gros yeux et ne dit rien. Il avait l'air complètement tétanisé, à la merci du moindre coup. Il se détendit lorsqu'il comprit que Kaagu n'était pas là pour le frapper. Enfin, pas encore.

Kaagu - Tu pourrais peut-être m'être utile. C'est quoi ton nom ?

Drez - Drez. T'as du boulot ? Tu paies ?

Kaagu - J'ai besoin de gens pour m'aider à reprendre ce qui m'est dû. Je n'ai rien pour te payer, mais, si tu sers bien, je ferai en sorte que tous les bars du quartier te soient ouverts. Qu'est-ce que tu en dis ?

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Kaagu vit l'autre loque lui tourner le dos et s'éloigner. Pire que ça, il l'a menacé de le réduire en bouillie avec sa bande s'il continuait à le chercher. Il fulminait. Sa vengeance requérait un pouvoir suffisant pour l'exécuter. Il avait besoin de bras armés. Plus encore, il avait besoin de cette bande dont il parlait. Il se demandait combien de membres elle comptait, comment ils étaient organisés. Peu importait, s'il les soumettait, il pourrait les organiser à sa guise.

Drez serait le premier de sa horde. S'il le soumettait, il aurait les infos qu'il lui faudrait. Kaagu prit de l'élan, et se jeta contre son adversaire.

Kaagu - Pas si vite, raclure ! Notre discussion n'est pas terminée !

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Le combat avait clairement tourné en sa faveur. Il n'avait pas été très bon, mais ça avait suffi pour son adversaire, qui rendit les armes immédiatement. Il jurait de lui obéir. C'était une bonne chose.
Kaagu regarda autour de lui. Il ne voyait plus de raison de s'attarder au bar. Le bar était potentiellement dangereux pour lui, alors il valait mieux se concentrer sur les solutions sûres pour le moment. Il avait Drez en son pouvoir, et Drez pouvait le mener à de nouveaux bandits à recruter, de gré ou de force. Si tous avaient sa carrure, ils ne pèseraient pas lourd. Mais, en nombre suffisant, ils pourraient le prémunir d'attaques en règles. Les Falleen n'étaient pas du genre à combattre ouvertement, mais on ne savait jamais.

Kaagu - C'est un bon choix Drez. Maintenant, tu vas m'aider à gagner en puissance. Je veux en savoir plus sur ton ancienne bande. Je veux les avoir à coup sûr. Ils seront mon premier pas vers ma vengeance.

Le Falleen prit en compte les explications de son nouvel associé forcé. Alors comme ça, sa bande avait un grand chef et le contrôle d'un business assez vaste ? En prenant son contrôle, il gagnerait des moyens qu'il n'aurait pas espérer obtenir si vite.
Il se demandait bien de quel genre de business il parlait, et de combien cela pouvait rapporter. Mais si la bande était importante, cela ne devait pas être rien. En plus, les gars étaient prompts à se battre, ce qui n'était pas courant chez les Falleen. C'était un pari gagnant, même si risqué. Kaagu savait bien que sur ce coup-là, il jouait sa vie. Mais il avait assez envie de vengeance pour continuer sur cette voie-là. Il sourit et pointa un doigt autoritaire vers son comparse peu rassuré.

Kaagu - Arrange-moi une rencontre avec ce Ronor ! Après ça, tu m'en diras plus sur les affaires des Rats.

Kaagu était content de voir que Drez obéissait ; pour le moment, du moins. Il l'avait mené à Ronor, mais l'attitude de Ronor était moins relâchée que celle de Drez. Ses gardes, même si plutôt frêles, avaient sur eux des carabines qui pourraient lui faire bien mal, et avaient l'air moins alcooliques que le poivrot croisé près du bar. Apparemment, les Rats n'étaient pas seulement des loubards bagarreurs, il y avait aussi une vraie organisation derrière.
Peu rassuré, Kaagu avança entre les deux rangées de gardes, le long de ce couloir un peu trop étroit à son goût. Impossible d'échapper à des tireurs, d'ici. Sa seule chance, s'il devait s'enfuir, serait de se jeter sur Ronor ; en espérant qu'il n'était pas armé, lui aussi.
Il vérifia que ses armes étaient bien là avant de s'installer. Il décida qu'il était pressé et souhaitait avancer rapidement.

Kaagu - Salut, Ronor. Je suis Kaagu. J'ai autrefois créé mon propre business avant d'être soudoyé par mes anciens amis. Aujourd'hui, grâce à ton intelligence et à ma poigne, je crois pouvoir me venger et donner à ma future organisation des moyens jamais atteints pour un gang de Falleen. J'ai besoin de ton aide pour renverser Borgom et prendre le contrôle des Rats.

Ronor avait vraiment un ton qui déplaisait à Kaagu. Ce dernier se retint de sauter à la gorge de ce type mesquin, et contracta la mâchoire tandis que son vert changeait légèrement de teinte. Les poings fermés, il écouta le Falleen lui énoncer ses conditions. Il l'aiderait, mais il aurait bien sûr des demandes en retour. Il fallait s'y attendre. Kaagu ne s'attendait pas à recevoir une telle aide, et c'était justement ce qui le tracassait. Ronor semblait assez puissant, et sûrement bien implanté. Il aurait du mal à faire valoir ses droits une fois qu'il aurait réussi à renverser Borgom. Il aurait très peu de contrôle sur Ronor, et aucune légitimité. Il devait trouver mieux, mais il ne pouvait pas non plus refuser l'aide de Ronor.

Kaagu - J'accepte avec plaisir l'aide que tu m'offres, Ronor. Plus tôt nous nous mettrons à l'action, plus vite nous gagnerons. Il faut prendre et conserver l'initiative. Pour commencer, je pense à frapper son portefeuille. Nous devons impérativement mettre la main sur son argent. Une fois le nerf de la guerre entre nos mains, ses hommes déserterons pour nous rejoindre.

En énonçant une ébauche de plan, Kaagu voulait montrer qu'il avait une cervelle et de la suite dans les idées. Il souhaitait aussi prouver à Ronor que celui-ci ne pourrait pas être seul aux commandes, même s'il avait les moyens et les hommes à sa disposition.

Ronor avait gardé son air suffisant. Il semblait complètement maîtriser ce Falleen qui était venu lui demander son aide contre leur ennemi commun. Il n'aurait même pas dû avoir à demander de l'aide, puisque leurs intérêts convergeaient. Visiblement, cependant, Ronor n'en avait cure et faisait bien comprendre à son nouvel associé qu'il bénéficiait d'une largesse qui demanderait réparation. Kaagu aurait-il agi différemment ? Sans doute. En tout cas, il n'aurait pas affiché si clairement sa supériorité. Le gangster se doutait qu'il ne pourrait jamais faire confiance à Ronor. Il allait déjà penser installer une marionnette. Et puis, n'avait-il pas trahi Borgom ? Pourquoi serait-il plus réticent à trahir un autre chef ?
Il réfléchissait à toute allure, mais ne pouvait pas rester bien longtemps. Les gardes du corps partis, braquant leurs carabines sur lui, Kaagu se sentit néanmoins plus léger. Il avait maintenant un objectif : ce convoi de pâtes industrielles qui devait arriver de l'Espace Bothan. Il se demandait ce que cette seule action changerait, car les Rats avaient sûrement des dizaines d'hommes amassant chaque jour des bénéfices variés. Pourquoi, alors ? N'était-ce là qu'un test destiné à voir s'il avait les talents de guerrier requis ? Sans nul doute. Ronor ne semblait pas être le genre de personne à investir dans une opération sans être sûr de lui. Kaagu sourit. Il venait certainement de déceler le principal défaut de son adversaire.

Kaagu - Bon, Drez, on se casse. Tu connais le chemin ?

Kaagu tendit le datapad à son acolyte, qui le lit en grimaçant. Malgré la mauvaise volonté, il comprenait bien que sa vie dépendait de sa bonne attitude. L'alcool semblait néanmoins commencer à le quitter.

Drez - Ouais, je connais le raccourci. Mais c'est pas la porte à côté. Suis-moi.

Le binome s'engagea à l'extérieur du bâtiment. Kaagu contraint néanmoins Drez à garder une allure saccadée. En alternant entre les marches rapides et petites pauses, il espérait pouvoir détecter quelqu'un les suivant. Si c'était le cas, il n'aurait guère de moyens de savoir s'il s'agissait d'un homme de Ronor ou non, et risquait bien de devoir faire avec.

Au moins, Ronor ne s'était apparemment pas fichu de lui. Avec six hommes, et même s'il ne s'agissait pas vraiment d'une grande équipée, il pouvait faire de sérieux dommages et mener sa mission à bien ; à condition, bien sûr, d'être capable de battre l'ennemi. Avant qu'ils ne fassent chemin, le Falleen sortit son pistolet blaster L-23 et vérifia les charges d'énergie et de gaz. Il était hors de question que l'arme bon marché le lâche maintenant. Bien qu'il s'y soit préparé, il ne s'attendait pas à devoir la sortir aujourd'hui même. Une fois qu'on le saurait armé, ses intentions apparaîtraient immédiatement beaucoup plus clair pour ses adversaires : on n'achète pas une arme si on n'a pas l'intention de s'en servir.

Kaagu - Bon, on peut y aller. Je vais prendre deux hommes et bloquer l'équipe de récupération à la porte. Les quatre autres, vous grimpez et entrez au premier. Vous resterez à couvert jusqu'à ce que je commence à tirer. A partir de là, vous pourrez sortir et faire un carton. Toi, Drez, tu restes avec moi.

Le plan ne semblait pas avoir de faille absolue. Le chef du commando haussa les épaules et prit la tête du groupe devant se rendre au premier étage.

Kaagu examina rapidement la situation, collé à la porte du hangar. Il y avait là un transporteur corellien, plein de plusieurs tonnes de cargaison. Il y avait trois personnes de chaque côté. Ils discutaient, débattaient, ne semblaient pas faire attention à ce qui se passait autour d'eux. Il avait l'avantage de la position. Il y avait toujours un doute, mais il ne pensait pas pouvoir douter de sa supériorité.

Il réfléchissait avant de donner l'assaut. Il se demandait si le fait de tuer le Bothan et ses camarades allait causer des soucis par la suite. D'ailleurs, s'il voulait récupérer le business plutôt que le couper, il devait garder une opportunité de contacter les intermédiaires. Il fallait que les étrangers survivent. Ça allait être délicat, car les deux groupes étaient très proches. Il faudrait probablement attendre, attendre qu'ils s'éloignent. Mais ils répondraient sûrement à l'agression du commando.

Devait-il essayer de négocier ? Il n'était pas un bon négociateur ... Mais en surenchérissant assez sur le compte de Ronor, il pouvait sans doute persuader les contrebandiers de se ranger de son côté ?
Il n'avait pas beaucoup de temps à perdre en conjectures. Il choisit de demander à l'homme qui l'accompagnait s'il savait quelque chose.

Kaagu - Hey. Est-ce que Ronor a les moyens de récupérer le commerce si on tue tout le monde ?

Le Falleen prit note, puis se reconcentra sur la situation. Les hommes de Borgom lui tournaient le dos. Il était temps de les prendre par surprise. Il fit signe à Drez et à l'homme de main de le couvrir et s'avança discrètement dans leur dos.
Dégainant son pistolet blaster, il se faufial, arriva dans le dos des hommes non armés, à courte distance. Il visa le dos d'un des deux hommes de main et ouvrit le feu.

Kaagu - Attaquez maintenant !

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